« Faites-vous une simulation thermique dynamique ? »
Voilà l’une des questions récurrentes de nos clients lorsqu’ils s’apprêtent à réaliser un audit énergétique. Notre réponse est toujours la même : « Oui, si vous le souhaitez, mais en avez-vous vraiment besoin ? ».
Et bien souvent, après discussion, il s’avère que peu de copropriétaires ou de gestionnaires en ont réellement besoin et que peu d’entre eux savent exactement de quoi il s’agit. Voici un article pour en savoir plus.
À quoi sert une modélisation thermique ?
Dans un audit énergétique, une modélisation thermique du bâtiment est réalisée pour calculer la performance thermique de la copropriété. Grâce à cette modélisation, nous pouvons déterminer où part la chaleur (murs, fenêtre, toit, chaufferie, etc.), nous pouvons identifier les travaux prioritaires pour réduire les déperditions d’énergie, et nous pouvons estimer les futures consommations d’énergie et les gains de confort après travaux.
Les informations que nous obtenons par la modélisation thermique sont donc essentielles pour permettre aux copropriétaires de prendre les bonnes décisions d’investissement.
Pour cela, une modélisation (quelle que soit la méthode de calcul) se déroule en 6 étapes :
- Relevé d’informations précises sur site ;
- Saisie des informations dans un logiciel de modélisation thermique ;
- Lancement du calcul selon la méthode choisie ;
- Analyse des différences avec la situation réelle de la copropriété (rapprochement avec les factures d’énergie) ;
- Adaptation des informations saisies pour coller à la réalité de la copropriété : cela donne la photo de la situation actuelle du bâtiment (par où part la chaleur) ;
- Modélisation des travaux envisagés : cela donne une estimation des consommations et des températures après travaux.
Mais alors, si toutes les modélisations se font selon le même processus, quels sont les différents types de simulations ?
Les différents types de modélisation
Pour qualifier les modélisations, on entend de nombreux termes plus ou moins répandus. En voici quelques-uns :
- Simulation Thermique Dynamique ;
- Simulation Thermique Statique ;
- Simulation Energétique Dynamique ;
- Etude RT ou Méthode ThCE-ex ;
- Méthode 3-CL ;
- Méthode comportementale.
Ces terminologies n’étant pas forcément compréhensibles pour les non-initiés, chaque bureau d’études essaye souvent de présenter la méthode qu’il utilise comme étant la meilleure. Mais prendre le temps à chaque fois de bien tout expliquer avec pédagogie est souvent laborieux (pour le locuteur comme pour l’interlocuteur !), c’est pourquoi nous décidons avec cet article de donner notre point de vue d’ingénieurs.
Simulation Thermique Statique vs Simulation Thermique Dynamique
Comparons d’abord ce qui est comparable, à savoir la Simulation Thermique Statique (STS) et la Simulation Thermique Dynamique (STD).
Le besoin en énergie d’un bâtiment à un instant donné dépend de plusieurs éléments :
- La température intérieure du bâtiment ;
- La température extérieure ;
- La performance de l’enveloppe du bâtiment (murs, fenêtres,…) ;
- La quantité d’air extérieur entrant et sortant du bâtiment ;
- Les apports solaires ;
- L’usage du bâtiment (nombre de personnes présentes, activité de ces personnes, éclairage,…).
La consommation d’énergie d’un bâtiment dépend en plus du mode de fonctionnement et de la performance des systèmes de production de chaleur et de froid.
La principale différence entre la STD et la STS, c’est que la STS fait l’hypothèse que la température intérieure à un instant donné est indépendante de la température intérieure quelques instants plus tôt. Cette hypothèse est une approximation, c’est pourquoi la STD est en théorie plus précise pour l’étude du besoin de chauffage.
Il ne faut pas penser pour autant que les STS ne sont pas précises et ne peuvent pas s’approcher de la réalité d’un bâtiment. Pour des bâtiments de logement, la température intérieure en hiver est relativement stable et les comportements thermiques des bâtiments sont bien maîtrisés donc les STS sont très précises. Les éditeurs de logiciel de STS dédiés à l’audit énergétique annoncent un taux d’erreur sur la consommation d’énergie réelle entre 5 et 10% sur leur panel de projets tests. La STD ne fait pas mieux. Il faut savoir que les logiciels de STD ont d’abord été conçus pour l’évaluation des besoins de chauffage/refroidissement et l’analyse des températures en été. De ce fait, plusieurs logiciels STD prennent très mal en compte les systèmes de chauffage induisant des erreurs sur l’évaluation des consommations d’énergie.
Par ailleurs, la précision accrue dans les calculs de besoin de chauffage n’est utile que si elle est accompagnée d’une précision équivalente dans les données saisie sur le logiciel (capacité calorifique des parois, description détaillée de toutes les zones du bâtiment et scénario d’usage horaire spécifique…).
La précision des logiciels de STD est à la fois leur force et leur faiblesse. S’ils permettent en théorie une analyse plus précise des bâtiments complexes (bureaux, commerces, établissements publics,…), ils ajoutent un niveau de complexité inutile sur les bâtiments de logements, tout en augmentant le prix de revient de l’analyse de façon significative.
L’importance des hypothèses de calcul
L’opposition entre STS et STD est en fait un faux problème car une bonne méthode de calcul ne sert à rien si les hypothèses de calcul sont erronées. C’est le problème des méthodes de calcul standardisées ou réglementaires.
La méthode Th-CEex par exemple est la méthode de calcul réglementaire pour les projets de rénovation en France. Elle a été élaborée par le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) en 2007. C’est une STS avec des formules de calculs extrêmement précises et un pas de temps (horaire) très resserré 1 . Cependant, l’objectif du gouvernement lorsqu’il a fait élaborer cette méthode était de comparer les bâtiments entre eux et non d’apporter une aide à la décision pour les propriétaires. De ce fait, les scénarii d’usage des bâtiments sont complètement standardisés et ne reflètent pas la réalité d’un bâtiment. Pour les logements par exemple, la température de chauffage prise en hypothèse est de 16°C en période d’inoccupation et 19°C en période d’occupation. C’est bien en-dessous des standards couramment observés.
La méthode 3CL (utilisée pour l’élaboration des DPE) est quant à elle une méthode STS très simplifiée et prenant des hypothèses de calcul standardisées. Elle est utile pour comparer des bâtiments entre eux et apporter un premier niveau d’information aux propriétaires pour un coût de modélisation très faible. Elle n’apporte cependant pas une précision suffisante pour améliorer efficacement la performance énergétique d’un bâtiment donné.
Les méthodes dites « comportementales », préconisées par l’ADEME pour les audits énergétiques, sont des méthodes de calcul permettant d’indiquer l’usage du bâtiment avec précision (horaires de présence, température de consigne,…). Il n’existe pas de méthode de calcul comportementale standardisée. Selon les méthodes de calcul, le thermicien a la main sur plus ou moins d’hypothèses.
Pour réaliser un bon audit, il faut donc utiliser une STD (plus chère) ou une STS adaptée à l’audit énergétique et maîtriser les hypothèses d’usage du bâtiment. Chez Sénova, nous préconisons généralement pour les logements la STS car elle a des résultats très proches de la STD en étant plus rapide à réaliser. Le temps que le thermicien aura gagné sur la modélisation sera souvent mieux utilisé pour des réunions avec les copropriétaires en accompagnement dans la mise en route du projet.
À quoi sert la STD alors ?
Il existe cependant certaines situations dans lesquelles nous préconisons la STD. Rappelons que l’hypothèse de base qui fait la différence entre STS et STD est que, dans la STS, la température intérieure à un instant donné est indépendante de la température intérieure quelques instants plus tôt. La STS ne permet donc pas d’évaluer l’évolution précise des températures intérieures en été.
De ce fait, la STS n’est pas adaptée aux bâtiments présentant un inconfort d’été important et nécessitant de dimensionner des solutions techniques spécifiques (surventilation nocturne, puits canadien, apport d’éléments inertiels,…). Notons que le dimensionnement ce n’est pas l’objectif d’un audit énergétique de logements collectifs.
Quelle que soit la méthode de calcul, l’inconfort d’été est identifié dès le début de l’audit par un questionnaire envoyé aux occupants en début de mission. Dans les copropriétés que nous avons auditées, il révèle en moyenne un inconfort ressenti par 20% des occupants, principalement aux derniers étages. Dans ce type de situation, les solutions techniques spécifiques listées ci-dessus ne sont pas nécessaires. Selon les cas, une bonne gestion des apports solaires, une isolation permettant de conserver l’inertie du bâtiment et/ou une ventilation de qualité seront préconisées et améliorerons durablement le confort d’été. Ces préconisations ne dépendent en aucun cas de la méthode de calcul.
Ainsi, à moins d’un inconfort d’été très important (lié par exemple à la présence de grandes baies vitrées au sud sans protection solaire ou des façades sombres,..), la STD n’apporte finalement pas grand-chose à un bâtiment de logement sur ce point.
La STD peut également être précieuse pour un bâtiment présentant deux activités très distinctes dans des proportions importantes. En effet, un bâtiment partagé entre des logements (très utilisés le soir et le week-end) et des bureaux (très utilisés la journée en semaine) entraîne des flux de chaleur importants à l’intérieur du bâtiment qui ne peuvent être correctement décrits par les méthodes STS.
Nous précisons « dans des proportions importantes » car l’impact d’un ou deux locaux de bureaux ou de commerces sur un bâtiment comportant plusieurs dizaines de logements est négligeable.
Enfin, la STD permet de mieux appréhender les phénomènes d’inertie du bâtiment. Elle peut donc s’avérer intéressante pour des bâtiments ayant des inerties très lourdes (immeubles entièrement en pierre, y compris les planchers par exemple) ou des inerties très légères (immeubles entièrement en bois par exemple). Pour les immeubles présentant une inertie standard (l’immense majorité des logements collectifs), la STS donne des résultats équivalents à la STD.
Peu importe la méthode, ce qui compte c’est la compétence et l’expérience de l’auditeur
Pour récapituler, les bâtiments de logements collectifs nécessitant une Simulation Thermique Dynamique sont :
- Les bâtiments ayant une très grande surface vitrée au sud et présentant des problèmes d’inconfort d’été majeurs
- Les bâtiments possédant des commerces ou des bureaux sur plus de 20% de sa surface totale
- Les immeubles ayant une inertie très lourde (entièrement en pierre) ou une inertie très légère (entièrement en bois)
Les autres bâtiments d’habitation (même de grande taille, avec des gros travaux planifiés, en tissus urbain denses etc.) ont intérêt à privilégier une STS adaptée à l’audit selon une méthode comportementale. La STD peut évidemment être utilisée mais elle doit pour cela être parfaitement maîtrisée sans quoi elle apportera un surcoût sans apporter une meilleure précision de calcul.
Il ne faut pas non plus oublier qu’un bon audit énergétique, c’est aussi et surtout des personnes qualifiées et compétentes, maîtrisant parfaitement la complexité de « l’écosystème » de la copropriété.
Par conséquent, plus que sur la méthode de modélisation, c’est sur le niveau d’expérience et d’accompagnement proposés qu’il faut être vigilant au moment de choisir son cabinet d’audit énergétique.
Consultez également le point de vue du CINOV sur la simulation thermique en copropriété. La fédération CINOV regroupe les syndicats des métiers de la prestation intellectuelle du Conseil, de l’Ingénierie et du Numérique.
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