Le 24 novembre dernier, Nicolas Hulot (Ministre d’État, Ministre de la Transition écologique et solidaire) et Jacques Mézard (Ministre de la Cohésion des territoires), ont présenté la feuille de route du gouvernement en matière de rénovation énergétique des bâtiments. A cette occasion, Dimitri Molle, Président de Sénova, a eu l’honneur de leur présenter le chantier de rénovation énergétique globale de la copropriété Beccaria (75012), mené avec Spalletti Architectes.
La feuille de route
En matière de rénovation énergétique des bâtiments, l’État veut changer d’échelle en réussissant la rénovation de 500 000 logements par an (soit deux fois plus que ce qui est fait aujourd’hui), dont 150 000 passoires thermiques, et ce, dès 2018 et pour toute la durée du quinquennat.
En effet, l’État a conscience que l’efficacité énergétique est un domaine qui conditionne le succès de tous les autres objectifs, et en particulier les défis climatiques. « Il sera bientôt trop tard pour dévier de notre trajectoire vouée à l’échec, et le temps presse » alertent 15 000 scientifiques internationaux dans leur « Avertissement à l’humanité » publié par Le Monde le 14 novembre 2017.
Or la rénovation thermique des bâtiments, c’est un des sujets qui marche le mieux en termes d’efficacité économique globale, avec des intérêts alignés à tous les niveaux :
- Pour les habitants, cela améliore leur pouvoir d’achat (nous sommes capables de diviser la consommation d’une copropriété par 3) et leur cadre de vie (gain de confort, valorisation esthétique et d’usage des bâtiments) ;
- Pour l’État et les collectivités, ça crée de l’emploi, ça améliore la balance commerciale et la productivité du pays, et contribue au développement de filières industrielles fortes.
Concrètement, le plan d’action gouvernemental ouvre des perspectives et pose des moyens pour atteindre ces objectifs. Parmi les perspectives ouvertes en faveur du parc privé d’habitations :
- Le CITE sera transformé en prime dès 2019, versé dès l’achèvement des travaux, bonifié pour les revenus modestes ;
- Les Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) seront fiabilisés pour permettre ensuite d’inciter à la rénovation énergétique à l’occasion des transactions.
- Un guichet unique de la rénovation sera créé pour toute la France, avec une simplification des procédures d’attribution des aides (instruction, délais etc.) ;
D’autres mesures dans le plan concernent les professionnels (montée en compétence, soutien à l’innovation), et l’État qui souhaite rénover un quart de ses bâtiments au cours du quinquennat, en commençant par les écoles, les lycées et les hôpitaux.
Côtés moyens, l’État va consacrer 14 milliards d’euros à la rénovation thermique des bâtiments :
- 5 milliards d’euros de primes aux particuliers (actuellement c’est le CITE)
- 1,2 milliards d’euros de l’Anah à destination des 1,6 millions d’habitants à revenus modestes ou très modestes. En effet, en copropriété notamment, la solvabilisation des plus modestes permet de déclencher la rénovation énergétique des bâtiments.
- 3 milliards d’euros de la part de la Caisse des Dépôts et Consignations
- 3 milliards d’euros pour les bailleurs sociaux
- 1,8 milliards pour les bâtiments de l’État
- Les Certificat d’Économie d’Énergie (CEE) vont représenter 6 milliards d’euros de primes sur le quinquennat.
Ce plan est la première brique du « Green New Deal » que Nicolas Hulot présentera au cours du premier trimestre 2018.
L’ouverture d’une concertation
Le plan est soumis à la concertation depuis le 24 novembre et ce, jusqu’à fin janvier 2018. En effet, l’État souhaite s’assurer, par cette consultation ouverte à tous, qu’en mettant l’ensemble de ces moyens sur la table :
- Les moyens utilisés le soient efficacement ;
- Mais aussi que les moyens soient effectivement utilisés, ce qui n’est pas toujours le cas.
Le rôle que Sénova entend jouer
Dimitri Molle et Pierre-Manuel Patry ont fondé Sénova dans l’intention d’agir, à leur échelle, en faveur de la transition écologique et en particulier la rénovation énergétique des bâtiments. Il est donc dans notre ADN de soutenir toute dynamique positive s’inscrivant dans cette même direction.
Concrètement, Dimitri Molle a été désigné par CINOV Construction (syndicat des bureaux d’études et de l’ingénierie du bâtiment) pour apporter les bonnes idées de notre filière au gouvernement et à ses représentants.
Abondement obligatoire du fond travaux à l’occasion de l’acquisition d’un appartement
En ce qui concerne la rénovation des copropriétés, nous croyons beaucoup à l’action 9 du plan qui consiste à inciter à la rénovation lors des transactions. Toutefois, plutôt que d’opter pour une pénalité fiscale (bonus/malus écologique sur la taxe foncière par exemple), nous recommandons au gouvernement d’imposer un abondement au fond travaux de la copropriété à l’occasion de toute acquisition immobilière. Le montant de l’abondement dépendrait de l’étiquette énergie et de la surface de l’appartement ou de sa valeur.
Ainsi, si un particulier achète un appartement dans un immeuble passoire thermique, il devra alors prévoir dans son budget d’acquisition, en plus des frais de notaires et des frais d’agence, un abondement au fond travaux. Une telle mesure aura trois conséquences très positives :
- Les acquéreurs vont se tourner davantage sur des appartements performants énergétiquement, ce qui va accentuer très significativement le mécanisme de valeur verte (in fine, c’est l’état qui fixe la valeur verte) ;
- Un acquéreur qui a abondé fortement le fond travaux de la copropriété va pousser ensuite sa copropriété à entreprendre des travaux de rénovation énergétique car il souhaitera que son investissement dans le fond travaux puisse lui bénéficier au quotidien ;
- Les copropriétaires qui n’auront pas encore abondé dans le fonds travaux seront plus enclins à suivre le mouvement de rénovation énergétique sachant qu’ils pourront valoriser l’investissement directement lors d’une future revente.
Le montant de l’abondement pour chaque classe énergie pourrait se déterminer en pourcentage de la valeur de l’acquisition (comme les frais de notaires), ou en montant forfaitaire dépendant du nombre de m². Pour déterminer le montant de l’abondement à prévoir, l’Etat pourra s’appuyer sur les statistiques de l’Ademe concernant le coût des rénovations énergétiques à basse consommation d’énergie (BBC) selon l’étiquette énergie de départ. Des milliers d’audits énergétiques ont été réalisés et cette information est donc disponible.
A noter que pour les maisons individuelles, la mesure consisterait à consigner chez le notaire (caisse des dépôts) le « fond travaux » qui vous serez rendu sur simple présentation d’une étiquette DPE A ou B.
Cette mesure est donc un juste intermédiaire entre l’incitation et la contrainte, plus acceptable politiquement qu’une taxe. Seule une mesure nationale de ce type pourra selon nous véritablement massifier la rénovation énergétique des copropriétés. En effet, les excellents dispositifs d’incitation mis en place par certaines agglomérations (Eco-Rénovons Paris, Eco Rénov en métropole Lyonnaise, Mur|Mur 2 à Grenoble Alpe Métropole) sont très positifs pour l’amorçage du marché, mais ces collectivités (figurant pourtant parmi les mieux dotées) n’auront pas les moyens de soutenir ces dispositifs dans un cadre de massification.
Viser les rénovations énergétiques globales, ambitieuses, à un niveau BBC
Autre élément important sur lequel nous sommes particulièrement attentifs dans nos échanges avec le gouvernement : s’assurer que les 500 000 rénovations par an concernent bien des rénovations énergétiques globales, ambitieuses, à un niveau BBC (Bâtiment Basse Consommation). En effet, la Loi de Transition Énergétique affiche sur ce sujet un objectif clair : en 2050, tous les bâtiments seront BBC. Dès aujourd’hui, c’est cette dynamique que l’État doit viser pour toute rénovation sans quoi les objectifs ne seront jamais tenus : les rénovations seraient toutes à reprendre d’ici à 2050 ce qui est illusoire et contre-productif au vu de l’enjeu. De plus, la démarche de rénovation en copropriété est lourde, elle provoque des nuisances, des coûts d’ingénierie, du temps à passer à tous les niveaux. C’est totalement illusoire de penser que les copropriétés vont faire plusieurs fois cette démarche au cours des 20 prochaines années.
Pour cela, les incitations/contraintes doivent être importantes pour la rénovation globale BBC afin de pousser les propriétaires à viser un programme de travaux BBC directement. Par ailleurs, on risquerait de se satisfaire de simples rénovations d’entretien (rénovation de chaufferie, réfection de toiture etc.) pour atteindre l’objectif de 500 000 rénovation par an. Nous pensons donc qu’il est important de fermer la porte à toute autre niveau de performance que le niveau BBC. Éventuellement, une option « intermédiaire » pourrait être d’imposer un bouquet de 2 travaux minimum dont obligatoirement l’isolation des murs. En effet, si l’isolation des murs n’est pas dans le programme de travaux, la rénovation entre alors dans la catégorie des travaux d’entretien et n’a rien à voir avec l’esprit de la loi et du Plan Rénovation Énergétique des Bâtiments. Sur le terrain, nous nous rendons effectivement compte que lorsqu’un dispositif incitatif fort existe pour viser le niveau de performance BBC, alors, c’est l’isolation des murs, qui pousse ensuite à anticiper sur d’autres travaux d’entretien (rénovation de chaufferie, de toiture, amélioration de la ventilation). Une rénovation de chaufferie ou de toiture ne suffit que très rarement à déclencher une rénovation BBC.
Et vous ?
Cher lecteur, vous aussi vous pouvez vous engager.
Si vous êtes copropriétaires, vous pouvez dès aujourd’hui sensibiliser vos copropriétaires à la rénovation énergétique. En particulier, si vous devez ravaler votre façade, ou remplacer une chaudière : n’oubliez jamais qu’il s’agit là d’une formidable opportunité pour améliorer l’efficacité énergétique de votre bâtiment. Commencez toujours par faire faire un audit énergétique qui vous montrera la route pertinente à suivre pour votre copropriété.
Si vous êtes un professionnel, alors vous pouvez contribuer comme nous à la sensibilisation de vos clients.
Enfin, vous pouvez tous dès aujourd’hui apporter vos idées, vos propositions voire vos critiques pour aider Nicolas Hulot à prendre les bonnes décisions. Comme le montre très bien Cyril Dion dans cet article de Kaizen, Nicolas Hulot a besoin de vous. Nous avons tous besoins de vous !
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