Le dernier décret précisant les modalités de l’obligation d’individualisation des frais de chauffage fait aujourd’hui débat. Décryptage.
Une mesure contestée
La pertinence de l’individualisation des frais de chauffage en copropriété est, depuis l’annonce de cette obligation, sujette à débat. La mesure a notamment été critiquée pour le coût supposé des compteurs d’énergie et des répartiteurs de chaleur – les appareils permettant de mesurer la consommation individuelle – qui, avec une dizaine d’euros par an et par logement, entachent la promesse d’économies financières liées à l’individualisation. L’aspect discriminant d’une telle mesure a aussi été pointé du doigt, tous les logements n’étant pas égaux face aux « fuite thermiques » : par exemple, les appartements situés au-dessus d’un parking ou d’un logement inoccupé sont défavorisés par rapport aux autres.
C’est dans ce contexte que le décret n° 2016-710 (et l’arrêté qui l’accompagne), publié le 30 mai 2016, est venu apporté des précisions sur les modalités de cette obligation.
Difficultés d’interprétation
Mais le décret a en fait suscité un débat autour de la notion de quantité de chaleur.
En effet, il dispose que les copropriétés avec chauffage collectif doivent être équipées d’appareils permettant de déterminer « la quantité de chaleur fournie à chaque local occupé à titre privatif ». Mais cela n’est faisable qu’à l’aide de compteurs d’énergie thermique, les répartiteurs de chaleur ne mesurant, techniquement, qu’une « température ponctuelle ». Et il se trouve que ces compteurs d’énergie thermique ne peuvent être installés que sur des réseaux de distribution de chauffage « horizontaux », assez rares en copropriété.
Le décret précise aussi que l’obligation n’est pas applicable « aux immeubles dans lesquels il est techniquement impossible de mesurer la chaleur consommée par chaque local pris séparément ou de poser un appareil permettant aux occupants de chaque local de moduler la chaleur fournie par le chauffage collectif ». Sachant que la majorité des copropriétés est équipée d’un réseau de distribution vertical (qui ne permet pas l’installation de compteurs d’énergie), plusieurs observateurs ont conclu que peu de copropriétés étaient concernées par l’obligation.
Cependant, cette interprétation pourrait être erronée, à en croire d’autres sources comme cette fiche réalisée par l’Ademe. Le document affirme que, selon la configuration de l’installation de chauffage du bâtiment, soit des compteurs d’énergie, soit des répartiteurs de chaleur devront être installées : il s’agirait donc d’une « maladresse » dans les termes utilisés dans le décret, qui engloberait en fait la mesure de la quantité de chaleur et celle de la température ponctuelle.
Dans ce cas, le nombre de copropriétés concernées serait probablement bien plus élevé, même si des exceptions subsistent. Le critère de l’impossibilité technique concernerait ainsi les immeubles dont :
- L’émission de chaleur se fait par dalle chauffante sans mesure possible par logement ;
- L’installation de chauffage est équipée d’émetteurs de chaleur montés en série (monotubes en série) ;
- L’installation de chauffage est constituée de systèmes de chauffage à air chaud ;
- L’installation de chauffage est équipée d’émetteurs fonctionnant à la vapeur ;
- L’installation de chauffage est équipée de batteries ou de tubes à ailettes, de convecteurs à eau chaude, ou de ventilo-convecteurs dès lors que chaque local ne dispose pas de boucle individuelle de chauffage.
Autre cas particulier : les bâtiments dont la mise en conformité entraînerait un coût excessif résultant de la nécessité de modifier l’ensemble de l’installation de chauffage ne sont pas soumis à cette obligation.
À noter également : la réglementation impose la présence et le bon fonctionnement d’appareils de régulation tels que des robinets thermostatiques. Cela est indispensable pour que les occupants puissent moduler le chauffage, notamment en fonction de la température intérieure.
Notre point de vue :Un répartiteur de chaleur ne permet pas de déterminer la quantité de chaleur mais seulement de l’estimer : cela en fait un dispositif très peu fiable, et ce pour différentes raisons. Par exemple, si un radiateur est emboué ou dans un coffre, ou encore si un canapé est placé devant un répartiteur, les données qu’il enregistra seront erronées (il considérera qu’il y a surchauffe). C’est pourquoi, d’après nous, les répartiteurs constituent une installation complexe qui ne fera pas gagner d’argent aux copropriétaires et qui ne contribue pas au respect de l’environnement. Les compteurs d’énergie, quant à eux, permettent de déterminer scientifiquement la quantité de chaleur et sont donc bien plus fiables.
En l’absence de clarification de la part de l’État, nous interprétons donc le décret selon notre conviction (qui rejoint l’intérêt de la collectivité) : seules les copropriétés qui peuvent installer des vrais compteurs d’énergie dans les logements sont soumis à l’obligation d’individualisation des frais de chauffage.
Quels sont les délais ?
Si votre copropriété est soumise à l’obligation, vous aurez en principe jusqu’au 1er janvier 2017 pour réaliser cette démarche. Cependant, certains immeubles auront droit à des délais étendus, en fonction de leur niveau de consommation de chauffage, comme le fixe l’arrêté du 30 mai. Ainsi, les copropriétés dont la consommation est comprise entre 120 kWh/m2SHAB.an et 150 kWh/m2SHAB.an auront jusqu’au 31 décembre 2017. Celles dont la consommation est inférieure à 120 kWh/m2SHAB.an auront jusqu’au 31 décembre 2019.
Pour vous assurer que votre copropriété est concernée ou non par cette obligation, n’hésitez pas à faire appel à Sénova, un bureau d’études thermiques fiable et reconnu garant de l’environnement (RGE Études). D’ailleurs, le syndicat des bureaux d’études Cinov Construction (dont Sénova est administrateur national) prendra prochainement contact avec les services de l’État pour les pousser à clarifier la situation.
Toute cette littérature ne concerne jamais les immeubles « tout électrique », lesquels n’ont que rarement la possibilité d’améliorer leurs performances. Trouver un système plus économe pour la production ECS est envisageable, mais quid du chauffage par le sol ?????
Bonjour,
Effectivement, les systèmes électriques sont beaucoup moins modulables, la marge de manœuvre pour améliorer leur performance est donc plus limité.
Cependant, il existe des axes d’amélioration pour les immeubles tout électrique. L’électricité faisant partie des énergies les plus chères pour le chauffage, il est d’autant plus intéressant de se pencher sur la question des économies d’énergie.
Pour ces immeubles, plusieurs axes d’amélioration sont envisageables :
– Réduire les pertes d’énergie (isolation, ventilation performante…) ;
– Améliorer le système de régulation ;
– Renégocier les contrats d’exploitation qui sont souvent mal dimensionnés et engendrent des surcoûts parfois très importants.
Pour les système de chauffage électrique par le sol, la régulation s’avère souvent être un sujet très complexe, qui dépend de nombreux paramètres (présence d’un isolant sous la trame chauffante, inertie de la dalle au sol, etc.) D’importants progrès ont été réalisés sur des systèmes de régulation plus intelligents et plus performants. Malheureusement, généraliser une solution qui fonctionnerait dans la majorité des immeubles de ce type semble difficile : en somme, une étude approfondie est nécessaire pour déterminer la solution la plus adaptée.
Bien à vous.
Bonjour, il semblerait que la situation sur la mise en place des répartiteurs de chauffage ait été clarifiée : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F14745. Cet article met bien en avant 2 procédés pour répondre à l’obligation :
– Mise en place de compteurs d’énergie
– Mise en place de répartiteurs de frais de chauffage
Bonjour,
C’est vrai. Malgré tout, pour une copropriété qui individualise avec des répartiteurs, il est important d’être prudent sur la définition des règles de répartition qui doivent être discutées et clarifiée, et ce, dans tous les cas (absence de mesure possible, défaillance etc.).
Par ailleurs, nous savons que l’Ademe va procéder prochainement à une évaluation de la pertinence de cette loi (un peu tard !) car l’état prend conscience qu’ils ont peut-être laissé un peu trop le crayon au syndicat de la mesure… !
Bonne journée,